Chacun de nous se fait une image de soi-même, un “autoportrait”, qui influe considérablement sur son comportement et ses conceptions.
Pour trouver la vie à peu près satisfaisante, vous devez avoir un “autoportrait” avec lequel il vous est possible de coexister. Vous devez être acceptable à vos propres yeux. Vous devez avoir un “ego” qui vous plaise, qui vous inspire confiance et sécurité.
Mais si ce portrait vous inspire quelque honte, vous aurez tendance à le cacher plutôt qu’à l’exposer. Toute manifestation créatrice s’en trouvera paralysée, vous deviendrez difficile à vivre.
Comme chirurgien esthétique, j’ai toujours été stupéfait par les brusques et sensationnelles transformations de caractère et de personnalité qui résultent souvent de la correction d’une imperfection faciale (généralement essentielle à l’“autoportrait” du patient). Il arrive que l’opération crée, à la lettre, une personne absolument nouvelle, modifiant non seulement l’apparence physique, mais la vie tout entière du sujet.
J’ai vu des timides et des découragés, une fois débarrassés de ce qui les défigurait, devenir hardis et courageux. Un garçon “demeuré” s’est métamorphosé en un jeune homme alerte, brillant et ambitieux, dès que j’eus corrigé de trop grandes oreilles qui lui donnaient l’impression constante d’être ridicule.
Un vendeur, obsédé par l’idée qu’il était pour les autres un objet de répulsion à cause d’horribles cicatrices dues à un accident d’automobile, devint un modèle d’assurance lorsque ses balafres furent effacées.
Mais le cas le plus frappant de tous est celui de ce criminel, récidiviste invétéré, qui, à la suite d’une intervention de ce genre, a perdu du jour au lendemain son agressivité aiguë et s’est réhabilité depuis au point d’assumer un poste de confiance.
J’ai pourtant connu des exceptions, des gens qui ne changeaient pas.
Une jeune fille, affligée d’une timidité maladive en raison d’une énorme bosse sur le nez, continua longtemps encore de se comporter comme si elle était un laideron, après que la chirurgie l’eut gratifiée d’un nez gracieux et, je dois le dire, d’un assez joli visage.
Et bien d’autres à qui l’on a remodelé les traits n’en ont pas moins conservé la même personnalité morose.
Quel chirurgien plastique n’a pas été suffoqué d’entendre des clients se plaindre que l’opération n’avait rien changé ?
– Je suis toujours pareil, disent-ils, vous n’avez rien fait !
Inutile de les inviter à comparer des photographies “avant” et “après”.
Ils s’obstinent :
– La cicatrice ne se voit peut être plus, disent-ils, mais elle est toujours là !
Elle y est, en effet. Ces gens-là demeurent hantés par leur ancien “autoportrait”.
Beaucoup de personnes font appel au chirurgien esthétique pour corriger des défectuosités purement imaginaires ou des laideurs inexistantes, des imperfections si insignifiantes qu’aucun chirurgien consciencieux ne songerait à les opérer.
Cependant, ces patients réagissent exactement comme s’ils étaient défigurés.
Ils éprouvent le même sentiment de honte, la même crainte, la même angoisse, la même inhibition psychologique. Leurs “cicatrices”, bien que strictement morales, sont aussi démoralisantes que si elles étaient physiques et, bien entendu, leur détresse provient d’un “autoportrait” mutilé et désastreux.
J’ai compris depuis longtemps que les gens qui viennent consulter un chirurgien esthétique ont souvent besoin de quelque chose de plus qu’une opération, et que certains ne relèvent absolument pas de la chirurgie plastique.
Chaque fois que j’ai eu à traiter ces personnes, non plus pour la correction d’un nez, d’une bouche, d’une oreille, mais d’un point de vue plus général, j’ai été amené à sortir du cadre d’une simple intervention.
J’ai dû leur montrer comment faire disparaître les cicatrices morales et modifier leurs attitudes fondamentales.
En d’autres termes, j’ai dû m’initier moi-même au fonctionnement de l’esprit humain.
Or, cette étude s’est révélée extrêmement enrichissante.
Il y a 15 ans, les savants ne savaient pas encore très bien comment le cerveau humain et le système nerveux central fonctionnaient pour accomplir un acte réfléchi, ne serait-ce qu’un geste aussi simple tel que prendre un…
Les servomécanismes se divisent en 2 types : ceux dont l’objectif est connu et dont la fonction est de l’atteindre ; ceux dont l’objectif n’est pas connu et dont le rôle est de le découvrir.
Toutes les créatures viennent au monde avec ce mécanisme automatique interne.
Pour les animaux inférieurs, leur destination est pour ainsi dire fixée d’avance et se limite aux besoins de conservation et de procréation.