Malgré les diverses obligations familiales ou professionnelles qui rythment votre existence, vous restez avant tout lié à la périodicité des rythmes journaliers de 24 heures.
Excepté dans certains systèmes comme celui des biorythmes, c’est donc essentiellement sur ces rythmes-là que se fonde la chronobiologie.
La chronobiologie peut vous aider à connaître votre pic de forme, à chaque heure de la journée.
Elle indique les moments forts et les moments faibles de vos activités : travail, sport, alimentation, pause ou sommeil.
Mais retenez avant tout que le rythme journalier le plus important est, sans conteste, le cycle de la veille et du sommeil.
Cet article se consacre donc à un aspect spécifique de la chronobiologie et vous permettra de situer les rythmes spécifiques au sommeil dans leur contexte journalier.
Pour ce faire, nous allons, tout d’abord, essayer de comprendre comment fonctionne notre étonnante horloge biologique.
Cette horloge qui, chaque jour aux mêmes heures, déclenche les mêmes fonctions et les mêmes processus.
Votre horloge biologique
Si vous avez visité le jardin des plantes à Paris, vous aurez pu y découvrir une bien curieuse horloge dont le quartz est remplacé par… un poisson africain !
Qu’a-t-il de particulier, ce poisson ?
Il émet des signaux bioélectriques d’une étonnante régularité.
Comme une vraie horloge.
Sans parvenir à une telle précision, votre horloge biologique reste, malgré tout, assez fiable.
Tout au moins, tant que votre synchroniseur “métro-boulot-dodo” ne la dérègle pas.
Mais, comment votre organisme peut-il générer les tic-tacs d’une telle horloge ?
Pour le comprendre, remontons au règne végétal.
Chez les plantes, il existe, en effet, une horloge biologique, indépendante de la lumière du soleil et de la température, mais qui règle néanmoins le rythme d’ouverture et de fermeture des feuilles et des fleurs.
Chez les mammifères, on a découvert une zone de l’hypothalamus, les noyaux suprachiasmatiques, ou NSC, qui fonctionne également comme une horloge et règle différents rythmes biologiques journaliers.
La destruction des NSC entraîne d’ailleurs la disparition de ces rythmes.
Cependant, tous les rythmes ne dépendent pas des NSC.
D’autres horloges ont une influence déterminante, comme :
- la glande pinéale qui sécrète la mélatonine durant la nuit
- les corticosurrénales
- le foie
- les reins…
Il y a donc de nombreuses horloges, reliées entre elles.
En fait, tout semblerait démontrer l’existence de relais de synchronisation hiérarchisés et interconnectés.
Aussi, l’hypothèse scientifique aujourd’hui dominante n’est plus celle de l’horloge unique régnant en maître du temps sur l’organisme.
C’est votre corps tout entier qui vibre à l’unisson avec l’univers !
Une journée de 25 heures
Malgré l’universalité des rythmes journaliers, il faut savoir que votre horloge biologique n’est pas innée.
Chez le nouveau-né, ces rythmes journaliers ne s’installent que très progressivement, durant les premiers mois de sa vie.
Ainsi, les courbes de températures, de résistance électrique de la peau, de variations du pouls et de fréquence cardiaque apparaissent-elles pratiquement plates à la naissance, pour se creuser en vagues de plus en plus marquées, au fur et à mesure de la croissance du bébé.
Chaque parent sait aussi qu’il en va de même des cycles sommeil/veille de l’enfant, qui, au départ, sont très rapprochés, puis s’espacent jusqu’à coïncider avec l’alternance jour/nuit.
Et finalement, à l’âge adulte, votre horloge biologique est généralement réglée.
Mais il arrive qu’elle se dérègle plus ou moins, car curieusement, votre véritable cycle biologique dure 25 heures, et non 24.
Ceci a été constaté en privant des cobayes de tout repère horaire.
Les alternances jour/nuit, bruit/silence, chaud/froid, ou, chez l’homme, activité/loisir ne sont donc que des synchroniseurs externes réduisant le cycle biologique de 25 heures à 24 heures.
Ces synchroniseurs externes calibrent, en quelque sorte, votre vrai cycle biologique, qui s’étend sur 25 heures.
De plus, ils assurent la conservation des pics et des creux de chacune de vos fonctions organiques à une place bien précise.
C’est la raison pour laquelle il arrive que la suppression ou la perturbation de ces synchroniseurs externes dérègle votre horloge biologique.
Ou tout au moins, votre cycle sommeil/veille.
Comment régler votre horloge biologique ?
En l’absence de synchroniseurs externes, votre cycle biologique est donc généralement de 25 heures.
C’est, en tout cas, ce que l’on a noté chez des volontaires enfermés dans des cavernes, et surtout chez ceux qui se livrèrent à l’expérience du Dr Aschoff.
Celui-ci proposa à 200 personnes de passer 15 jours dans un refuge totalement coupé de l’extérieur, et à y vivre de manière normale.
La seule différence, c’est qu’il n’y avait ni jour, ni nuit, ni réveille-matin, ni T.V., ni radio.
Après une période d’acclimatation durant laquelle les cobayes, désorientés, cherchaient leur rythme, la majorité d’entre eux se fixa spontanément à des journées de 25 heures, incluant la veille et le sommeil.
Il va sans dire que tous les paramètres biologiques, comme les pics et les creux de température, s’alignaient sur ce nouveau rythme.
Étrangement, les volontaires témoignèrent tous d’une très grande sensation de bien-être, dès l’adoption de ce cycle de 25 heures.
De nombreuses hypothèses ont évidemment été émises, pour expliquer le phénomène.
La plus plausible est sans doute simplement celle établissant que le cycle de 25 heures contient 16 cycles de 90 minutes.
Or, le cycle de 90 minutes correspond au passage de la prédominance d’un hémisphère cérébral à l’autre.
Toujours est-il que les signaux que vous recevez habituellement de votre environnement empêchent votre rythme cérébral interne d’adopter ces “16 fois 90 minutes”, le synchronisant ainsi avec la vie de la planète.
Le seul problème, si vous êtes citadin, c’est que le mode de vie actuel ne vous facilite pas la relation avec les rythmes de la nature.
Il peut donc vous arriver, plus ou moins fréquemment, de ne plus percevoir les synchroniseurs externes.
C’est alors que votre horloge se dérègle.
Et pour la remettre à l’heure, vous ne disposez que d’une vraie solution : vivre une vie plus naturelle.
Le citadin désynchronise à force de se priver de nature
Vous n’aurez pas été sans remarquer que la lumière et surtout le soleil ont un effet déterminant sur votre humeur.
Il y a déjà un siècle, le Capitaine Cook notait dans son journal, les conséquences de l’hiver arctique qu’il avait observées sur la psychologie de son équipage :
“Le rideau de ténèbres qui a recouvert notre environnement, glacial et désolé, a également pénétré au plus profond de nos âmes. Les hommes restent assis autour des tables, tristes et abattus, perdus dans des rêveries mélancoliques.”
Peut-être, comme la plupart des habitants des villes, connaissez-vous cette tristesse hivernale, généralement accompagnée d’une légère prise d’embonpoint, et qui, alliée à la fatigue nerveuse, vous conduit si facilement à l’insomnie, et quelquefois à la dépression.
Chez quelques-uns d’entre nous, un mode de vie particulièrement antinaturel pousse même la tristesse hivernale à déborder largement sur le printemps et l’été.
Comment cela se fait-il ?
C’est à cause de l’enfermement !
Un enfermement quasi constant :
- dans un bureau
- dans une usine
- dans les transports
- devant la télévision
- …
Cet enfermement reconstitue pratiquement l’environnement arctique qui déprimait l’équipage du Capitaine Cook, à force de le priver des bienfaits de la lumière du soleil.
Mais ce n’est pas tout !
Car, si l’humanité actuelle présente une fâcheuse tendance à ignorer les lois de la nature environnante, elle ne recule pas non plus devant le viol de ses propres rythmes biologiques.
Privé d’exercice, d’air et de soleil, le citadin perd la sensibilité de son corps et de son esprit. Il ne sait même plus reconnaître quand il a sommeil, et se couche et se réveille à n’importe quel moment.
Or, le sommeil, tout comme la nature, a ses rythmes.
Et ne pas en tenir compte entraîne tristesse, fatigue et insomnie.
Vos différents sommeils
Avant toute autre chose, retenez simplement que le sommeil se déroule en une succession de cycles de 1 heure 30.
Toutes les 1 heure et demie, vous plongez dans un sommeil, d’abord léger, puis plus profond, suivi enfin d’une phase de sommeil avec rêves.
Ainsi se suivent les phases, de cycle en cycle : sommeil léger / sommeil profond / sommeil avec rêves / sommeil léger / sommeil profond / sommeil avec rêves / sommeil léger, etc.
Et cela, pendant 6 à 8 heures, ce qui correspond à 3 ou 4 cycles.
Maintenant, une vérité de La Palisse : le sommeil profond est plus reposant que le sommeil léger.
Cela étant, ces 2 phases de sommeil sans rêves ne vous apportent de récupération que sur le seul plan physique.
C’est la phase de sommeil avec rêve qui réorganise votre mental, repose votre psychisme, sans reposer votre corps.
Sachez aussi que vos phases de sommeil profond durent plus longtemps en début de nuit, ce qui favorise votre récupération physique.
Alors qu’en fin de nuit, c’est la phase de sommeil avec rêves qui est prépondérante, vous offrant une plus grande récupération psychique.
Rien d’étonnant donc à ce que :
- Les travailleurs manuels soient généralement des “couche-tôt et lève-tôt”, puisqu’ils profitent ainsi des heures propices au repos de leur corps.
- Et que les travailleurs intellectuels soient plutôt des “couche-tard et lève-tard”, puisqu’ils puisent, dans les dernières heures de la nuit, les forces mentales qui leur sont nécessaires.
Mais, que vous soyez manuel ou intellectuel, que vous vous couchiez tôt ou tard, ce que vous devez impérativement respecter est ce que Pierre Fluchaire appelle “le train du sommeil”.
En effet, tous les jours, à la même heure, le 1er wagon de ce train, c’est-à-dire un premier cycle de sommeil, démarre.
À vous d’y être attentif pendant 2 ou 3 jours, puis de vous régler définitivement sur cet horaire.
En fait, rien n’est plus facile que de bien organiser votre sommeil… ou de le désorganiser dangereusement !
Car, prendre le train du sommeil en marche, c’est-à-dire décaler son coucher, c’est appeler l’insomnie à plus ou moins court terme.
Vos rythmes cérébraux du sommeil
C’est toute votre qualité de vie, votre efficacité professionnelle et votre santé qui dépendent de la plus ou moins bonne gestion de votre sommeil.
Ce sommeil ne vient toutefois pas aux mêmes heures, ni ne dure pendant le même laps de temps chez tout le monde.
Nous l’avons vu, il y a des “couche-tôt” et des “couche-tard”.
Mais il y a aussi des “gros dormeurs”, généralement introvertis, et des “petits dormeurs”, généralement extravertis.
Dans n’importe quel cas, mieux vaut tenir compte de votre tendance naturelle, plutôt que de vouloir vous réformer au nom de principes moraux.
Par contre, il est indispensable que vous appreniez à respecter vos cycles du sommeil, en vous couchant et en vous levant au bon moment.
Les cycles du sommeil, on l’a dit, durent en moyenne 1 heure 30 et surviennent, à très peu de choses près, tous les jours aux mêmes heures.
Il vous est donc facile de les repérer.
Pendant chaque cycle, votre cerveau émet une succession de fréquences spécifiques, passant des ondes Bêta (veille), aux ondes Alpha (relaxation), plus lentes.
Puis, en continuant à ralentir, il descend au rythme Thêta, encore plus lent et correspondant à la phase dite de pré-sommeil.
Une fois passée cette porte du sommeil, vous entrez de plain-pied dans l’état de sommeil proprement dit, avec le rythme Delta, très lent, de 3 à 4 Hertz, qui va encore descendre jusqu’à 1 à 2 Hertz.
Après environ une heure de ce sommeil lent, vous remontez, toujours très lentement, jusqu’au stade précédent du sommeil léger, et entrez, enfin, dans la phase paradoxale où votre corps est profondément endormi et votre cerveau prodigieusement actif.
C’est la phase pendant laquelle se manifestent vos rêves.
La seule cause de la fatigue étant la rupture d’un de ces cycles du sommeil, mieux vaut donc que vous dormiez relativement peu, mais en respectant la réglementation du sommeil cyclique, plutôt que de dormir longtemps et de vous réveiller en plein milieu d’un cycle.
Préservez votre sommeil nocturne
En vous levant trop tôt, en vous couchant trop tard, en consommant des somnifères, en vous intoxiquant à l’aide de café ou de tabac, et donc en dormant mal ou en rêvant mal… Vous vous privez non seulement d’un moyen irremplaçable de récupération physique, mais surtout d’une programmation indispensable à votre équilibre psychologique.
Bien sûr, tout le monde n’a pas besoin du même nombre d’heures de sommeil.
Certains peuvent se contenter de 4 h, alors que d’autres n’ont pas trop de 12 h.
Mais cette vérité sert malheureusement de prétexte à beaucoup pour veiller au-dessus de leurs moyens.
Comment donc savoir si vous manquez effectivement de sommeil ?
Simple : au cas où vous dormiriez plus longtemps le dimanche, c’est que vous auriez une grosse dette sur ce plan, et qu’il vous faudrait instamment récupérer.
Le danger des somnifères
Dormir n’est pas tout ! Encore faut-il rêver correctement !
Il est maintenant établi que le rêve est plus indispensable à la vie humaine que le sommeil lui-même.
Or, les somnifères, en vous rendant ce sommeil, vous suppriment par la même occasion une grande part de vos rêves.
Plus précisément, les somnifères de première génération tuaient les rêves de début de nuit, ceux de seconde génération, utilisés aujourd’hui, annihilent les rêves de fin de nuit.
Les somnifères, de toute manière, changent l’activité électrique du cerveau et sont directement responsables d’une somnolence diurne plus ou moins incapacitante, voire dangereuse.
Hélas, quand on sait que 4 millions et demi de boîtes de somnifères sont vendus chaque mois en France, on est en droit de s’inquiéter pour le sort du rêve dans notre pays.
Au fait, à quoi sert-il, ce rêve ?
D’après le professeur Michel Jouvet, le rêve est “le gardien de notre personnalité programmée génétiquement”.
En constituant une protection contre l’influence de votre environnement, le rêve vous permet d’être différent des autres.
Dans l’évolution des espèces, ce n’est qu’à partir des oiseaux et des mammifères que le rêve apparaît, comme un nouveau système de programmation de l’individu.
Chez l’homme, toute la part inconsciente de la personnalité est programmée par le rêve.
Dans l’évolution individuelle, la fonction structurante de la vie onirique est confirmée par la longueur des périodes de rêve du foetus (600 mn/jour), puis du bébé (400 mn/jour), avant d’en arriver aux 100 mn/jour de l’adulte.
Pour toutes ces raisons, vous comprenez sans doute à quel point la moindre réduction de votre temps de rêve peut entraîner des changements pathologiques dans votre personnalité, augmentant vos éventuelles névroses et votre hypersensibilité.
En 2 mots, le manque de rêve vous fait régresser et souffrir.
Que faire, et ne pas faire ?
En premier lieu, rappelez-vous que les excès et les changements ne prédisposent pas vraiment à passer de bonnes nuits.
Quels sont ces excès et changements ?
Par exemple :
- trop de travail
- les sports violents
- un manque total d’exercice
- une nourriture trop riche et abondante
- un régime trop sévère
- les excès sexuels
- la frustration sexuelle
- les brusques modifications d’habitudes, dans la vie professionnelle ou affective, dans l’alimentation, dans la pensée, ou dans n’importe quel comportement
- les voyages
- les changements de lit ou de chambre…
Enfin, les excitants, comme le thé, le café, le chocolat, les sodas, les alcools, le tabac, les sucreries, etc., il est vrai, calment certaines personnes…, mais dans l’écrasante majorité des cas : ils excitent !
Aussi aurez-vous plus de chances de bien dormir en vous en abstenant, au moins 6 à 8 heures avant d’aller vous coucher.
Et, au cas où vous souffririez d’une insomnie chronique bien enracinée, mieux vaudrait même vous en débarrasser de manière définitive.
Une fois que vous avez évité tout ce qui est nocif, vous pourrez commencer à pratiquer ce qui est favorable :
- des soirées de vraie détente, meublées d’activités empreintes de fantaisie et de calme
- une pause relaxante ou une sieste durant la journée
- un bain tiède pris avant d’aller dormir
- l’installation d’un véritable rituel du coucher, en arrangeant la chambre et le lit, en fermant les rideaux, etc.
Mais bien sûr, tout cela doit être accompli exclusivement pour aller dormir, calmement et non rapidement, dans l’excitation, parmi d’autres activités.
Cependant, si vous êtes insomniaque depuis trop longtemps, cette simple hygiène peut s’avérer insuffisante.
Ajoutez-y alors l’un ou l’autre des phytothérapiques qui suivent :
- plantes à coumarine (mélilot, mélilotus…)
- infusion légère de tilleul
- infusion de boutons de fleurs d’oranger
- teinture mère de mélisse.
Ou faites appel à l’homéopathie, à l’organothérapie, à l’oligothérapie ou à l’acupuncture, en allant consulter un spécialiste.
Conclusion
Vous l’avez compris, un sommeil naturel sain et réparateur est indispensable au bon fonctionnement de votre organisme. Et pour y parvenir, la première étape incontournable est l’écoute de votre propre horloge biologique. En vous livrant les secrets de votre corps, elle vous donne les clés de votre santé, bien-être, et efficacité.
À vous ensuite de vous discipliner pour organiser votre vie, et en particulier vos cycles de sommeil, en respectant ce rythme idéal. Très rapidement, vous constaterez les bienfaits de ces bonnes habitudes. Leurs besoins en repos satisfaits, votre corps autant que votre esprit se retrouveront comme régénérés, prêts à affronter une nouvelle journée.
Et surtout, une fois bien réglée, préservez votre horloge de toute perturbation extérieure. Pour rester une personne heureuse et équilibrée, tâchez de vivre plus sainement en évitant les excès et en vous efforçant de vivre en harmonie avec la nature.
Ainsi, le soir, laissez donc de côté la télé, Internet, les excitants ou somnifères et autres substances toxiques nocives pour votre corps.
Quant à vos soucis, ne les laissez pas perturber votre sommeil, et vous verrez que ce dernier vous aidera à les surmonter.
Maintenant, au lit et faites de beaux rêves !
Pour en savoir plus sur la chronobiologie, je vous conseille vivement de lire le livre de John ELLIS, « Optimisez vos Biorythmes«